Directeurs des Soins: chronique d’un corps en péril
Avec une démographie négative et une attractivité en berne, le corps des Directeurs des Soins s’interroge sur son avenir au regard des annonces sur l’évolution de la gouvernance à venir. Le SMPS tient à rappeler encore une fois la place centrale des DS dans l’organisation des soins et la nécessité de revaloriser ce corps de professionnels cruciaux pour le bon fonctionnement des établissements.
La crise d’attractivité du corps des DS tient en une donnée 32 admis pour 85 places ouvertes à la session 2022 du concours
Le 17 janvier dernier les représentants du SMPS ont eu le grand plaisir de rencontrer à l’EHESP la nouvelle promotion des Elèves-Directrices et Directeurs des Soins (DS). Ce premier contact fut l’occasion d’échanges riches et nourris avec de futurs Directeurs motivés par leurs fonctions à venir mais également ouvertement soucieux de l’avenir du corps au regard la taille extrêmement réduite de cette nouvelle promotion.
Les faits sont têtus et parlent d’eux-mêmes : pour 85 places ouvertes à la session 2022 du concours seulement 32 candidats ont été admis. Ce constat n’est qu’une des formes visibles de la perte d’attractivité galopante que connaît aujourd’hui l’hôpital public et tout particulièrement les métiers de direction.
Ces plus de 53 postes non pourvus sont à mettre en parallèle avec l’effectif total du corps des DS qui a perdu en l’espace d’une seule année près de 169 Directeurs, passant entre 2021 et 2022 de 860 DS en exercice à seulement 691. On ne peut également que s’alarmer d’une telle dynamique pour la pérennité de nos métiers au regard des près de 61% de Directrices et Directeurs des Soins qui ont désormais plus de 55 ans.
Dire qu’il y un véritable péril pour l’avenir du corps des Directeurs des soins ne relève donc pas de paroles incantatoires, mais bel et bien d’un état de fait. La campagne d’attractivité de ce métier menée en 2021 n’a en finalité pas porté ses fruits. Les travaux à venir concernant à la fois la gouvernance des établissements et la transposition de la réforme du statut des administrateurs de l’Etat pour les corps de direction de la FPH s’annoncent par conséquent comme des rendez-vous cruciaux à plus d’un titre.
La réforme annoncée de la gouvernance hospitalière ne doit pas mettre de côté la place centrale des DS et de la filière soignante dans l’organisation des soins
En ce qui concerne les évolutions de la gouvernance, le lancement officiel de la mission « Claris-Baille » devrait donner plus de précisions sur ce à quoi devrait ressembler le « tandem administratif-médical » annoncé depuis plusieurs semaines maintenant. Force est de constater que l’angle donné à ces travaux privilégie encore une fois une vision du soin uniquement tournée vers le champ médical, n’accordant aux représentants de la filière managériale soignante que le rôle de « partie prenante ». Une telle orientation ne peut que surprendre à l’aune de la réalité de l’organisation des établissements de santé, en particulier à la suite de la crise sanitaire et aux difficultés inédites en matière de ressources humaines que nous connaissons depuis des mois, si ce n’est des années. A chacun de ces épisodes les Directrices et Directeurs des Soins en poste ont démontré leurs capacités à la fois stratégiques, managériales et opérationnelles à apporter des réponses rapides et adaptées aux diverses situations de crise. Notre rôle de lien avec la sphère soignante et notre place au sein des équipes de direction en tant que directeurs-adjoints s’en sont trouvés renforcés à l’instar de notre fonction de président(e) de la CSIRMT. Plus que jamais les enjeux actuels d’attractivité, de fidélisation, de formation et d’encadrement des personnels soignants, requièrent toute l’expertise des directeurs des soins au sein de la gouvernance. Plutôt que le tandem annoncé, le SMPS rappelle qu’il plaide pour le renforcement du trinôme institutionnel entre le chef d’établissement, le Président de la CME et le Coordonnateur général des soins, président de la CSIRMT et directeur-adjoint au sein de l’équipe de Direction. Un tel équilibre est nécessaire à la stabilité de nos établissements, et c’est bel et bien ce projet que nous porterons au sein des groupes de travail à venir Il s’agit en effet de ne pas se voiler la face : l’annonce d’un directeur médical à l’hôpital émerge comme un épouvantail qui secoue un chiffon. Si la représentation nationale de la communauté hospitalière s’élève contre, il ne faudrait pas se contenter du principe d’un tandem médico-administratif qui laisse sur le côté les soignants. Pour rappel la communauté soignante paramédicale représente plus de 70% des hospitaliers, et pour autant son regard et son avis ne restent que peu pris en considération. Applaudis chaque soir à 20h il y a trois ans, ils disparaissent désormais des discours tenus par les pouvoirs publics. Sur le plan statutaire, c’est bien la fin des discussions d’évolution pour les soignants quel que soit leur place dans la ligne hiérarchique. La reconnaissance et plus largement la considération du travail des soignants est balayée d’un revers de main, ne permettant plus leur participation au processus de décisions pourtant mis en exergue pendant la crise sanitaire et qui existait bien avant. La modestie et l’humilité des soignants dessert aujourd’hui tous les corps de métiers soignants, qui reste concentrés avant tout sur le patient ! Plus largement, c’est la négation du « care », du prendre soin tant réclamé par les usagers du service public hospitalier qui est remis en cause. Car, et il ne faut pas en douter, les conséquences de l’application de la Loi RIST vont conduire à des réductions d’activités, voire à des fermetures de services, et concentrer in fine les prises en charge des patients vers les plus gros établissements. Les hôpitaux qui passeront entre les mailles seront appelés à devenir de véritables usines à soins techniques, bien éloignées des attentes et des besoins des concitoyens. |
Si les revalorisations obtenues en 2022 ont été un signal important de reconnaissance, il convient de poursuivre l’objectif d’alignement sur les DH-adjoints !
Le corps des Directeurs des Soins a certes bénéficié d’une avancée statutaire substantielle début 2022, avec une revalorisation de nos grilles et la création d’un grade de classe exceptionnelle. Tout en étant bien conscient que cette avancée n’était pas à la hauteur des attentes légitimes d’alignement sur les DH-adjoints, le SMPS fut le seul syndicat à valider l’accord proposé par les pouvoirs publics. Nous avons préféré à l’époque la certitude des acquis progressifs, demeurant fidèle à notre à notre ligne pragmatique, mais demeurons attachés à notre objectif d’un alignement à terme. En effet, et quoiqu’on en dise, le quotidien du DS avec son portefeuille de responsabilités est tout autant complexe et important que celui d’un DH adjoint, et ce n’est qu’une demande légitime de réclamer, à responsabilités égales, l’égalité salariale ! Les chantiers statutaires qui vont bientôt s’ouvrir seront donc une occasion à saisir pour tous les métiers de Direction de la FPH, et a fortiori pour les Directeurs des Soins. Au-delà des questions d’alignement les questions portant sur l’élargissement des critères d’accès à la classe exceptionnelle ou l’augmentation du nombre d’emplois fonctionnels devront être mises sur la table. C’est le mandat qui sera porté par le SMPS et l’ensemble de ses élus sur ces thématiques cruciales pour l’avenir de notre métier. Les Directrices et Directeurs des Soins ne peuvent plus attendre. |