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CCN du 12 mai 2022 : Déclaration liminaire du SMPS

A la veille d’un été qui s’annonce comme un tournant majeur pour nos institutions, le SMPS dresse le bilan et espère qu’à la pénurie médicale ne succédera pas la pénurie managériale..

12 mai 2022

Ce Comité Consultatif National des corps de Directeurs de la FPH est le dernier auquel nous siégeons avant la période estivale. Si ce moment de l’année est généralement synonyme de repos bien mérités, nous savons d’ores et déjà que peu de collègues voient les mois qui arrivent avec sérénité au regard des défis qu’ils vont représenter pour assurer la permanence des soins.
 
Sur tout le territoire, et dans toutes les structures, qu’elles soient sanitaires, sociales, médico-sociales, qu’il s’agisse d’établissements locaux ou de CHU, tous les indicateurs virent au rouge écarlate tant l’été qui vient s’annonce comme un tournant majeur pour nos établissements. Alors que la tension au niveau des services de soins n’a jamais été aussi forte, le moral aussi bas et la fatigue aussi palpable, la question des congés au cours des prochains mois s’annonce comme une véritable équation insolvable pour les directeurs qui devront trouver par tous les moyens comment remplir les plannings et ne pas rompre la continuité des soins.
 
Aucune zone ne sera épargnée par la pénurie de professionnels qui s’annonce et déjà la crainte d’un effet domino entre les établissements d’un même territoire se fait entendre. Nul ne sait dans quel état nous nous retrouverons en septembre prochain, après la période que nous nous apprêtons à traverser.
Tout cela, nous le rappelons dans un contexte réglementaire très défavorable à l’agilité statutaire pour les médecins avec des rémunérations contractuelles verrouillées et des rémunérations statutaires enlisées dans un trop rapide satisfecit du Ségur que l’hôpital public paye chaque jour en concurrence frontale avec le secteur privé, par exemple.
 
Au regard de cet avenir de court-terme plutôt pessimiste, et c’est un euphémisme, les sujets que nous nous apprêtons à aborder au cours de ce CCN pourraient sembler dérisoires.
 
Pourtant il n’en est rien, car ils représentent à la fois un bilan et une perspective des conditions de travail et d’exercice des Manageurs qui aujourd’hui et demain encore assureront la gestion de nos établissements.
 

 
Un bilan d’abord, à travers l’avis que nous allons rendre sur les critères de sélection pour l’accès au grade de la classe exceptionnelle du corps des Directeurs des Soins, ainsi que ceux pour l’accès à l’échelon spécial de ce grade. En effet, cet avis est l’un des points importants du cycle des négociations portant sur les revalorisations des DS.
 
C’est une étape, mais Le SMPS a eu maintes fois l’occasion d’exprimer sa déception quant à l’issue de ces négociations dont les résultats n’ont pas été à la hauteur des attendus en termes de repositionnement de carrière des DS et d’alignement de leur rémunération sur les Directeurs d’Hôpital.
 
Un tel alignement aurait pourtant été une reconnaissance bien légitime quand on sait le rôle que ceux-ci ont joué pour déployer la réponse sanitaire des établissements publics à la crise. Et c’est une fois de plus une vision de courte vue de l’Etat, qui mendie à ses fidèles serviteurs quelques faibles avancées, toujours tronquées, jamais pionnières au sein de la FPH.
 
Mais c’est pourtant par pragmatisme que le SMPS a voté en faveur de ces revalorisations telles que proposées par la DGOS ; préférant, une fois encore, les acquis certains aux mesures hypothétiques, ou comme le dit l’adage « un tien vaut mieux que deux tu l’as », nous voyons donc cette avancée comme une étape avant l’alignement.
 
Plusieurs aspects restent toujours à affiner quant aux règles précises qui seront mises en œuvre pour l’élaboration de ce premier tableau d’avancement à la classe exceptionnelle des DS, toutefois nous pouvons nous féliciter d’avoir obtenu de la part du CNG des critères de sélection suffisamment ouverts et larges pour prendre en compte la diversité des parcours de nos collègues.
 
Nous demeurons néanmoins encore en attente d’un calendrier quant à la réalisation de ce premier tableau d’avancement et des détails concernant les instructions d’application de cette ligne directrice de gestion.
Cela ne suffira en tous cas certainement pas pour redonner envie d’embrasser une carrière exigeante, et nous constaterons aussi amèrement ce jour que le concours des DS est le seul encore en baisse en nombre de candidats.
 
A cette occasion cependant, nous sommes aussi amenés à réitérer notre colère pas rapport à la situation des deux autres corps de directeurs quant aux conditions d’avancement :La semaine dernière est parue le nouveau et funeste quota de promotion à la hors classe. C’est une hérésie de l’avoir maintenu, c’est un non-sens de l’avoir abaissé eu égard aux retards pris à la double peine qu’infligent les règles de mobilité aux jeunes DHLes D3S restent donc à ce jour le seul corps qui n’a pas de 3ème grade. Le SMPS le déplore et appelle une nouvelle fois les futures équipes ministérielles à ouvrir sans délai des négociations pour que le corps des D3S bénéficient de tous les attributs manquants d’un corps de direction de haut niveau. 
Sur ce dernier point, le SMPS espère que ces rendez-vous iront aussi vite que le déploiement hâtif de « modèles » d’inspection déjà largement appliqués sur le territoire et qui ne résolvent en rien les problématiques de gestion, de recrutement et de pilotage qui affectent les établissements sociaux et médico-sociaux.
 


Un sujet de perspective, ensuite, celui de la stratégie pluriannuelle de pilotage des ressources humaines des Directeurs, établie par le CNG est soumis à notre examen.
 
Sur le fond, le SMPS salue cette démarche car elle signifie une réelle volonté de la part de notre Ministère de tutelle de cadrer la question épineuse de la gestion des ressources humaines de ses corps à gestion nationale. Cependant, nous demeurons perplexes sur l’absence d’éléments de mise en œuvre concrète des orientations qui nous ont été présentées et de leur déconnexion avec certains enjeux d’importance pourtant réels, et sur lesquels le CNG n’a pas la main, tels que la revalorisation des emplois fonctionnels et, par extension, l’accroissement de leur nombre, et ce afin de répondre à la demande de débouchés professionnels de la part des collègues. Au-delà de l’identification des talents et des hauts potentiels au sein de nos corps, le développement d’opportunités leur permettant de s’épanouir professionnellement semble être un objectif stratégique incontournable.
 
Nous aurions également souhaité que ce qui a pu être dit au cours des groupes de travail portant sur la lutte pour l’égalité entre les Femmes et les Hommes ou l’amélioration de la QVT des Directeurs soit repris, notamment en matière d’accompagnement sur les prises de poste, sujet majeur aux vues des remontées de terrain que nous entendons. 
 
De plus, du fait du fractionnement des travaux portant successivement sur la QVT, l’égalité, les emplois fonctionnels, l’accompagnement, les évaluations, le CHESP (etc.), la feuille de route que constitue cette stratégie pluriannuelle ne permet pas d’avoir une vision claire sur le ou les objectifs visés à travers cette future GPMC. Cette stratégie ne se base actuellement que sur des orientations de travail et non de vrais objectifs confortés par des propositions de plans d’actions, ou tout du moins des esquisses de ceux-ci.
Le SMPS plaide aussi depuis longtemps pour un aggiornamento de la politique de formation des directeurs. Non pas tant pour contester les efforts faits par l’EHESP et portés par les élèves-directeurs – toujours à juste titre exigeants avec leur lieu de formation et très innovants pour améliorer les contenus -, mais dans le sens d’une unification des opérateurs sous l’égide du CNG, avec un financement dédié et une alimentation de la politique de soutien aux parcours qui veuille signifier que l’Etat a compris de quel soutien actif les directeurs, à tous les moments de la carrière, ont besoin.
 
Si nous sommes bien conscients qu’un document portant sur une stratégie pluriannuelle ne peut totalement se concentrer sur des mesures concrètes et détaillés, nous pensons qu’il gagnerait en profondeur de mettre en avant des propositions concrètes et ainsi devenir une véritable feuille de route de référence, en remplacement du désormais dépassé, protocole d’accord de 2011.
 

Les points que nous allons aborder au cours de ce CCN constituent donc bien des avancées réelles et positives portant sur nos conditions de travail, montrant que le dialogue et la concertation portent encore leurs fruits.
 
Pourtant, il nous semble opportun de souligner ici deux actualités très récentes qui n’augurent pas des perspectives aussi favorables que celles que nous venons de citer et qui questionnent la place de la reconnaissance de la part des pouvoirs publics.
 
La première aura été d’apprendre par voie de presse que certains des plus hauts représentants de l’hôpital public proposent de la réformer en se débarrassant, notamment, de ses Directeurs.
 
Des Directeurs des soins, d’abord, dont l’engagement, le professionnalisme et l’expertise dont ils ont fait preuve sont balayés tandis que leurs tâches reviendraient aux Directeurs des Ressources Humaines. 
Une telle analyse est, au mieux, le fruit d’une méconnaissance du fonctionnement de l’ensemble des hôpitaux publics français, au pire, une volonté d’offrir les DS en sacrifice sur l’autel de la gouvernance soi-disant « médicalisée » et de laquelle ils ont aussi été largement écarté par le guide Claris, alors qu’ils sont membres de droit des directoires depuis longtemps !
 
Les DS sont pourtant, faut-il le rappeler, au carrefour des missions de direction et de la sphère du soin, ne serait-ce que par le parcours qui les a menés à de telles fonctions. C’est ce qui fait la richesse de ce métier si spécifique et si nécessaire. Considérer que l’hôpital de demain se ferait sans leur expertise cruciale est sans doute le dernier gimmick pour occulter sans doute une incapacité à intégrer la composante soignante de façon démocratique au management d’un hôpital qui n’en a peut-être pas fini avec des mandarinats de toutes origines
 
Mais ce réquisitoire concerne également les Directeurs d’Hôpital, à qui il est tout simplement proposé de se fondre avec le corps des Administrateurs de l’État au sein de l’INSP nouvellement crée.
 
Il est vrai que nos métiers peuvent être comparés à plus d’un titre à celui des Administrateurs de l’État : nos compétences, complémentaires, justifient d’ailleurs l’existence de passerelles entre les fonctions publiques. Elles sont autant de perspectives intéressantes pour des collègues souhaitant diversifier leurs expériences.
 
Toutefois, les esprits les plus affutés auront remarqué que si INSP et EHESP partagent bien deux lettres en commun, elles n’ont pas totalement la même signification et marquent bien la spécificité du métier de DH. Il est d’ailleurs curieux de voir à quel point la fusion semble être devenue la solution toute trouvée aux questions relatives à nos métiers, a l’instar de ceux qui veulent mordicus fusionner les D3S avec les DH !
 

Mais est-ce donc si difficile de respecter les particularités, les exercices différents, les expertises et de ne pas tomber dans une sorte de volonté de tout amalgamer ?
Est-ce une pensée trop complexe que reconnaître que chacun, à sa place, joue un rôle et que nous formons tous une chaîne de complémentaritésun réseau d’acteurs de haute expertise et non pas un magma de « hauts fonctionnaires » ?
Encore une fois : où est la reconnaissance envers les serviteurs du service public hospitalier après plus de deux ans de crise sanitaire où les Directeurs ont démontré à la fois leur dévouement, leur agilité et leurs compétences pour faire face aux pires situations ?
Et n’est-il pas envisageable, au regard des succès managériaux portés par les DH hors de l’hôpital public, qu’il est d’abord urgent de modifier les technostructures invalidantes plutôt que les hommes et les femmes au cœur vaillant qui le font vivre ?
 
Pensée unique, idées courtes, sans doute !
 
Cette assimilation amalgamée se prolonge jusque dans la publication du quota d’accès à la hors classe aussi car la DGOS la justifie par la volonté de poursuivre la logique de convergence avec le taux fixé pour les Administrateurs de l’État.
 
Nous ne cesserons donc de la combattre !
 

Nous n’avons ici repris que ces deux actualités brulantes au regard de ce qu’elles illustrent de la reconnaissance que récoltent les collègues directeurs de la FPH.
 
Mais nous pourrions encore revenir sur l’application à venir de la loi 3DS, qui viendra bientôt amputer le corps des D3S du secteur de l’enfance au profit des Conseils départementaux, soit 15% du corps. De même, nous demeurons dans l’expectative en ce qui concerne la fin de la garantie de financement, l’application potentielle de la Loi Rist en matière d’intérim médical ou encore les contours que prendra concrètement la mise en œuvre du nouveau régime de responsabilité financière. Ce dernier point est là-aussi source de nombreux questionnements de la part de Directeurs, abasourdis que les pouvoirs publics n’aient pas plus intégré leurs problématiques,
 
Voilà ce bilan, qui est, il faut bien l’admettre, tout sauf rassurant.
 

Ce qui fut jadis des certitudes est aujourd’hui questionné.

Ainsi des établissements comme les CHU jugés inébranlables, sont aujourd’hui frappés de plein fouet par la raréfaction médicale, en particulier aux Urgences. Trop longtemps considérées comme conjoncturelles, ces problématiques sont en réalité systémiques et les signaux avant-coureurs étaient connus mais régulièrement niés.
 
Nous avons désormais plus que jamais besoin de réponses et de perspectives favorables et concrètes. A l’heure où nous ne savons toujours pas de quoi seront faits les mois prochains, et alors que nous nous apprêtons à connaître un été crucial, il nous faut rester lucides. Les Directeurs des établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux affronteront cette période avec les soignants et feront tout ce qu’ils peuvent pour assurer la permanence des soins sur le territoire.
 
Mais alors que dans quelques semaines commenceront les épreuves écrites des concours de DH et de D3S, et en parallèle les épreuves orales du concours de DS. Le SMPS en profite pour souhaiter à tous les candidats bonne chance, en les espérant nombreux
 
Mais nous demeurons dans l’expectative ; bien incapables de savoir de quoi le futur de l’hôpital public sera fait mais également comment l’attractivité de nos métiers sera assurée demain. La campagne de promotion, qui doit, à notre sens beaucoup plus se muscler et se diversifier, ne pouvait suffire à enrayer cela.
 
Toutes les mesures que nous avons citées sont pourtant autant de coups portés à celle-ci, et nous appelons de nos vœux avec le quinquennat qui s’annonce à un sursaut visant à revaloriser l’ensemble des acteurs assurant le fonctionnement du service public hospitalier. Car demain, après la pénurie médicale, viendra logiquement la pénurie managériale.
 
Je vous remercie.