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Protection de l’enfance : la grande oubliée ?

Alors que nos collègues D3S détachés (malgré eux) dans la fonction publique territoriale sont à bout de souffle, ils sont en plus contraints de gérer un secteur exsangue.


On a tendance à l’oublier mais le service public de la protection de l’enfance est en déshérence. Pour rappel, les établissements sociaux relevant de l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE) représentent près de 1960 structures dont en majorité des maisons d’enfants à caractère social (difficultés familiales momentanées ou durables, 1233 MECS) et des foyers de l’enfance (aide d’urgence, préparation d’une orientation, 243 foyers).

Comme dans le champ sanitaire et les autres pans du secteur social et médico-social, l’offre d’accompagnement et d’hébergement ne suit pas la hausse du nombre d’enfants accompagnés

Le nombre d’enfants accompagnés par des mesures de protection de l’enfance est en croissance constante depuis 20 ans. Ils sont près de 350 000 à bénéficier d’un placement ou d’un suivi éducatif à domicile. Entre 1996 et 2018, le nombre de mesures a augmenté de 35% quand la population française de moins de 21 ans a crû de seulement… 3% sur la même période ! A cette tendance est venue se greffer l’arrivée de mineurs isolés étrangers (ou mineurs non accompagnés (MNA)) issus de pays instables sur les plans économique ou géopolitique (Guinée, Côte d’Ivoire, Mali, Bangladesh, Afghanistan…) et dont la loi du 14 mars 2016 précise qu’ils relèvent effectivement de la protection de l’enfance.

Si l’amélioration du dépistage des dysfonctionnements au sein des familles s’est amélioré, on ne peut constater une hausse des violences intrafamiliales depuis la crise sanitaire en 2020 qui, de facto, a fait grimper le nombre d’accompagnements par l’ASE.

Les besoins sont croissants et l’offre ne suit pas. Des mesures judiciaires ne sont pas exécutées à défaut de moyens. En 2019, seuls 27 départements interrogés par le Ministre de la santé mettaient en œuvre systématiquement un projet pour l’enfant alors que cette disposition est obligatoire depuis 2007.

Des avancées pour les droits des enfants…

La loi du 7 février 2022, portée par Adrien Taquet, ex Secrétaire d’Etat chargé de l’enfance et des familles, entend améliorer la situation des enfants protégés par l’aide sociale à l’enfance. Les placements à l’hôtel sont progressivement interdits. Dans le même temps, le législateur a le souci de mettre fin aux sorties “sèches” de l’ASE à la majorité, en garantissant un accompagnement des 18-21 ans par les départements et l’Etat. De plus, ces derniers bénéficient d’un accès prioritaire au logement social. D’autres mesures issues de cette loi vont dans le bon sens : l’interdiction de séparation des fratries, l’obligation d’un entretien systématique avec le jeune six mois après sa sortie de l’ASE, la possibilité pour les mineurs de désigner une personne de confiance…

…Déjà inapplicables faute d’un accroissement des moyens pour y faire face ?

Depuis la loi du 22 juillet 1983, les départements sont compétents en matière de responsabilité et de financement du service de l’aide sociale à l’enfance. Bien qu’en hausse chaque année depuis 2016 (+14%, données DREES 2020), les dépenses engagées ne suffisent pas à envisager des conditions sereines dans l’accompagnement de ces enfants. Entre la recherche d’économie pour certains et le manque de volonté politique pour d’autres, les Présidents des conseils départementaux ne font plus de l’aide sociale à l’enfance une des priorités sur leur territoire. A cela vient s’ajouter une crise de l’attractivité des métiers que nous connaissons malheureusement trop bien dans nos secteurs…
Dans ce contexte, le 21 mars 2024, le Président du Sénat, Gérard Larcher, a saisi le Conseil Économique, Social et Environnemental (CESE) sur le sujet de la protection de l’enfance. Le CESE devra « identifier les freins au déploiement, faire évoluer certaines des mesures suite à l’augmentation de la précarité des familles et des manques budgétaires des collectivités ». Nous attendons leurs conclusions.

Dans ce marasme, un véritable “no-man’s land” des D3S en responsabilité à l’ASE et détachés dans la fonction publiques territoriale

La loi du 21 février 2022, dite loi “3DS”, impose que les fonctionnaires exerçant les fonctions de directeurs soient détachés dans les cadres d’emplois équivalents de la fonction publique territoriale au plus tard un an à compter de la date de publication de la loi.

Plus de deux ans après la publication de cette loi, force est de constater que le CNG n’évoque pas à un seul moment les D3S contraints à ce cas de figure dans sa dernière étude statistique en date du 1er janvier 2023. Nous espérons que l’étude qui paraîtra l’année prochaine et sur les données 2024 sera plus fournie. Le CNG a tout de même admis que le nombre de D3S détachés cherchant à “revenir” dans le giron de la fonction publique hospitalière était conséquent, voire alarmant.

Au SMPS, nous constatons également une hausse du nombre d’appels des directeurs détachés auprès des départements. Certains sont en détresse face à des exécutifs départementaux qui veulent reprendre la main sur leurs missions. Il est urgent de réagir !

Enfin, nous rappelons aussi notre attachement à un service public de la protection de l’enfance solide et fort de ses valeurs de continuité, d’adaptabilité, d’ouverture à l’altérité… tout en étant financé à la hauteur de ses enjeux ! Nos collègues manageurs (D3S, cadres socio-éducatifs, attachés d’administration…) qui relèvent de la fonction publique hospitalière et qui œuvrent dans le champ de la protection de l’enfance peuvent compter sur le SMPS pour défendre leurs droits.

N’hésitez surtout pas à contacter les élus de votre catégorie ou la délégation nationale du SMPS.

Sources :

-Martine Vignau, Vice-Présidente du CESE, “Protection de l’enfance : l’urgence de réagir” (UNSA Mag)

-Isabelle Arnal-Capdevielle, directrice d’hôpital, “Le droit des établissements et services sociaux et médico-sociaux” (Presses de l’EHESP)