Le portrait du mois, Nadia PEOC’H, Directrice des soins
Entretien avec Nadia PEOC’H, directrice des soins de l’Institut de Formation des Cadres de Santé, de l’école d’Infirmiers en Bloc Opératoire DE (IBODE) et de l’école d’Infirmiers Anesthésistes DE (IADE) de Toulouse

Pour commencer, parlez-nous un peu de votre parcours ?
Je suis entrée dans la fonction publique hospitalière en 1985 en qualité d’infirmière diplômée d’Etat. Mon parcours est assez riche, avec des passages en blocs opératoires et dans des services de réanimation. En 1990, j’ai rejoint le CHU de Toulouse et je suis partie en formation à l’école des cadres de santé dont j’ai été diplômée en 1997. J’ai gagné en appétences pour le management, la pédagogie en soins infirmiers. J’ai travaillé dans les deux versants professionnels du métier de cadre : management et formation. Après une expérience en IFSI, j’ai fait cependant le choix de revenir sur le terrain, en exerçant des missions transversales notamment sur la conduite de projets et la déclinaison du projet de soins auprès de la coordonnatrice générale des soins du CHU de Toulouse.
J’ai repris ensuite un cycle universitaire de 2003 à 2009. J’ai soutenu une thèse de doctorat en sciences de l’éducation, plutôt axée autour de l’approche clinique. Le Directeur général du CHU de Toulouse a accepté alors que je partage mon temps entre mes missions de cadre supérieure de santé et celles de maître de conférences associée à l’université de Toulouse. Je me suis interrogée sur ce positionnement hybride et si celui-ci pouvait me convenir à terme.
En 2014, j’ai donc fait le choix de passer le concours de directeur des soins. J’ai été à Rennes toute l’année 2015, je fais partie de la promotion « Charlie ». Après mon année de formation, j’ai exercé le métier de directrice des soins au Centre Hospitalier des Vallées de l’Ariège (CHIVA) pendant 3 ans. Le CHU de Toulouse m’a ensuite proposé le poste de directrice de l’école des cadres, IBODE, IADE et la conduite de projet de l’universitarisation des formations en santé avec notamment la structuration stratégique du Diplôme d’Etat d’Infirmiers en Pratique Avancée.
Aujourd’hui, je suis donc directrice des soins en charge de 3 écoles, chargée du projet d’universitarisation des formations de santé. J’ai été qualifiée maître de conférences en sciences infirmières en 2020 et je suis très active dans la promotion de la recherche en soins. Au total, j’encadre près de 200 étudiants (120 IBO (deuxième école après l’APHP), 30 étudiants en cadres de santé et 50 IADE).
Que pouvez-vous nous dire des enjeux autour de l’universitarisation des formations en santé ?
Je dirais que c’est à la rencontre de deux mouvements : une forme de résistance aux changements mais aussi une espérance formidable pour les étudiants et formateurs.
En 2009, le décret de formation en soins infirmiers a permis la reconnaissance en grade licence du diplôme d’Etat. C’était une revendication de longue date de la Fédération Nationale des Etudiants en Sciences Infirmières (FNESI). Les Ministres de la santé et ceux en charge de la recherche successifs ont souvent évoqué leur souhait que les étudiants en santé soient formés dans des facultés, comme c’est le cas en Belgique, en Suisse, au Canada… .Tout recentrer sur les facultés, ça interroge le devenir des directeurs de soins qui encadrent les établissements adossés à des centres hospitaliers. Si la voie de l’universitarisation s’impose, cela nécessitera de revoir leurs missions.
Le rapprochement avec l’université peut faire face à d’autres écueils : un risque de métropolisation fort et de séparation entre les établissements publics de santé et leur outil de formation. Ayant travaillé dans un département rural et faiblement peuplé, l’Ariège, je sais combien l’hôpital est souvent le premier employeur d’un département. Un institut de formation aux étudiants issus d’un territoire d’y rester, d’attirer de futurs diplômés au grade « licence ». Cependant, il y a une limite au recentrage des formations sur les universités que j’identifie clairement, c’est leur impossibilité à absorber tous les étudiants en IFSI aujourd’hui.
J’ai rencontré des responsables d’une mission IGAS (Françoise Zantmann, Jean Debeaupuis). A mon sens, il y a 3 niveaux d’universitarisation : le premier est pédagogique, le second est fonctionnel (le maintien des instituts de formation adossés à des hôpitaux supports mais véritablement associés à un campus universitaire) et le troisième est l’absorption (modèle qui inquiète, cela supposerait que tout se fasse à l’université). Aucun modèle n’est imposé pour le moment et il y a des expérimentations sur différents territoires. Par exemple, Rennes, Paris, Toulouse une dizaine d’IFSI travaillent sur une licence en sciences infirmières à l’université. Avec les changements successifs de gouvernements, les réflexions ne sont pas allées plus loin pour le moment. Le dernier rapport IGAS en lien avec la Mission du Professeur Christine Ammirati confirme qu’il ne s’agit pas de promouvoir partout une intégration organique mais bien de promouvoir une intégration pédagogique et fonctionnelle. On attend le nouveau référentiel de formation en sciences infirmières à la rentrée universitaire de 2025.
Pouvez-vous nous dire quelques mots sur les projets que vous portez au sein de votre établissement ?
Je vais aborder deux projets.
Le premier concerne l’expérimentation de la formation des cadres de santé à travers la réingénierie dans son intégralité du référentiel de formation basé sur des blocs de compétences et des unités de compétences en partenariat avec l’université. Désormais, les cadres formés dans nos instituts ressortent avec le diplôme de cadre mais également avec un Master 2 en santé publique (orientation management en santé, parcours cadres de santé).
Le second projet concerne plutôt la dimension recherche de mon métier. Je travaille à la valorisation des compétences infirmiers au CHU avec, à terme, l’ambition d’en établir une cartographie. Je vais ainsi permettre aux soignants de déposer des protocoles de recherches, des projets de soins et en santé, de répondre à des mécénats ou encore de les impliquer dans l’écriture d’articles scientifiques via la plateforme cellule d’appui à la recherche en soins.
Pourquoi avoir choisi le SMPS ?
Je dirais que mon adhésion est en partie liée à… une histoire d’amitié. Dans mon premier poste, je n’ai pas pris le temps de me syndiquer. Lors de la proposition de passage à la hors classe en 2019, je me renseigne alors auprès du bureau régional du SMPS en Occitanie. Je noue un lien amical avec Jérôme Rumeau qui en est le secrétaire. J’ai adhéré récemment en 2020 et j’ai été rapidement mise en contact avec Céline Laroche qui m’a proposé de rejoindre l’équipe nationale.
Plus globalement, j’apprécie le SMPS car c’est un syndicat qui ne laisse pas de place aux corporatismes et qui n’est pas politisé. Il représente tous les corps managériaux de l’hôpital public. Le SMPS est très ouvert, très constructif, ça correspond à ma personnalité et à mon vécu. Depuis que j’ai des fonctions nationales, je découvre les missions d’accompagnement, de soutien, de conseil… Bref, c’est très enrichissant et je me sens faire partie d’une véritable « communauté de manageurs » !
Un mot qui définit votre caractère ?
Médiatrice, j’ai été élevée dans une famille où la diplomatie et les compétences sont des valeurs essentielles (mon père étant militaire). J’ai vécu dans différents pays, en particulier en Afrique et en Océanie, j’ai toujours été en faveur de la diplomatie, de l’ouverture à l’altérité, à la rencontre.
Un mot qui définit votre métier ?
Un mot ou plutôt une phrase : « si c’était à refaire, je referais exactement pareil ». Mon métier est passionnant, pas facile tous les jours mais je suis complètement épanouie !