CAPN DH DECLARATION LIMINAIRE DU SMPS
13 mars 2025
Cette CAPN intervient, hasard du calendrier, après une série d’instances qui furent pour nous l’occasion de rappeler nos inquiétudes quant à l’évolution des corps de direction en général, de celle des directeurs d’hôpital en particulier.
Aussi, nous sommes partagés entre deux choix, donner une belle image de nos métiers, somme toute passionnants, pour y attirer les meilleurs talents à l’heure des inscriptions au concours, ou mettre les dures réalités de notre exercice en lumière ? Le choix d’une vision cornélienne qui peint la société telle qu’elle devrait être ou celui d’une version racinienne qui la peint telle qu’elle est ?
Nous prendrons le parti pris de Racine, par honnêteté et réalisme.
L’évolution de la société, de notre environnement professionnel, ne porte pas à l’optimisme. Menaces en tout genre sur l’intégrité des territoires, revirements incessants de nos alliés historiques, risques de voir, encore, les budgets consacrés à la santé subir de sérieux coups de rabot… Conséquence de ce climat d’incertitudes ou simple évolution de modes de management de plus en plus délétères, nous ne pouvons qu’alerter et le ferons autant que nécessaire, sur le nombre de collègues qui sont malmenés, au-delà du raisonnable.
Car rappelons-le, nous avons choisi un métier de haut fonctionnaire bien singulier. Par sa proximité avec l’usager, avec nos tutelles, avec les élus locaux et nationaux et avec les professionnels aux multiples compétences parmi les plus de 200 métiers que compte l’hôpital. Cette diversité, reflet de notre société, est parfois complexe à gérer, mais ô combien précieuse.
Notre singularité vient également de la permanence des activitésque nous sommes chargés d’organiser. Les hôpitaux ne s’arrêtent jamais, 24h/24, 7 jours / 7, notre action non plus.
En choisissant ce métier, nous ne mesurions peut-être pas l’ampleur des missions qui nous attendaient ; nous les avons toutefois acceptées.
Aussi, nous ne reculons pas devant l’obstacle inhérent à la nature de nos établissements, mais pourquoi nous en imposer d’autres, pourquoi chercher à nous compliquer une tâche déjà bien ardue?
Pourquoi, de la part de certains représentants de l’Etat, adopter des comportements méprisants envers certains collègues ? Notre loyauté n’est plus à prouver. Nos tutelles savent qu’elles peuvent compter sur notre professionnalisme, que ce fut lorsque notre pays fut marqué par une vague d’attentats, par une épidémie d’ampleur mondiale, lorsqu’il a accueilli les jeux olympiques, ou lorsque plus prosaïquement, nous devons composer au quotidien avec les pénuries de personnel, avec des budgets exsangues.
Pourquoi instaurer des climats de défiance au sein des équipes de direction ?
Pourquoi refuser d’accorder la protection fonctionnelle quand nous sommes mis en cause pour avoir essayé de concilier des injonctions paradoxales ? Ce qui nous semble une intolérable injustice, nombre de directeurs d’hôpital la vive au quotidien comme une véritable humiliation.
Nous déplorions, il y a quelques jours l’emploi de méthode « à la Musk ». Ne retenons que le meilleur d’un pays, les Etats-Unis d’Amérique, qui vit une situation inédite depuis janvier et rêvons qu’un jour les directeurs d’hôpital voient leur tutelle agir comme ce responsable du FBI, qui, devant la remise en cause de son agence par la nouvelle équipe gouvernementale, a déclaré en substance « critiquez-moi, accablez-moi, mais en aucun cas ne touchez à mes agents qui jours et nuits œuvrent pour leur pays » ! Quelle belle leçon de management. Oui, nous avons besoin de courage, de perspectives et de soutien.
Cette séance de la CAPN DH s’ouvre donc dans ce climat d’inquiétude pour le pays, d’amertume pour nos métiers, de lassitude de la répétition mais surtout pas de résignation.
Nous tenions tout d’abord à saluer l’initiative du CNG qui a publié la synthèse des résultats des conseils de discipline des dernières années, tant pour les directeurs que pour les praticiens hospitaliers. S’il est toujours consternant de constater que certains collègues, très minoritaires, peuvent être amenés à adopter des pratiques répréhensibles, il est rassurant de voir qu’il n’y a pas d’impunité et les décisions prises ces derniers mois à l’égard de chefs d’établissement, comme des adjoints concernés, vont dans le bon sens.
Non, il n’est plus possible d’adopter un management basé sur la peur, sur l’humiliation. Le SMPS se battra contre ces pratiques, contre toute forme de discrimination.
Aussi, il est possible d’aller encore plus loin. Quelques jours après le 8 mars le SMPS tient à rappeler que les sanctions en matière de violences sexuelles et sexistes ont fait l’objet d’une recommandation de la Défenseure des droits (n°47) dans sa dernière décision-cadre du 5 février 2025. La Défenseure des droits recommande aux détenteurs du pouvoir disciplinaire d’informer les victimes de l’issue de la procédure disciplinaire. Nous demandons officiellement que le CNG applique cette recommandation.
Nous allons étudier la situation de collègues en difficultés plus ou moins grandes, par la nature même de la CAPN. Avant de statuer, posons-nous la vraie question ? Était-il inévitable d’en arriver à cette instance pour régler le problème ?
Parfois, la réponse vient du statut, ce qui coupe court au questionnement. Nous avons suffisamment regretté que les CAPN soient vidées d’une grande partie de leurs prérogatives pour ne pas aborder celles qui lui restent avec la plus grande attention.
Mais parfois, ne sommes-nous pas dans la situation où tout semble être fait pour compliquer l’exercice professionnel… Si les collègues ont jugé utile d’en arriver à la CAPN, n’est-ce pas une forme d’échec du dialogue managérial interne à l’établissement, une marque d’érosion sérieuse de la confiance qui doit exister entre un manageur et ses collaborateurs ? Néanmoins, nous ne voulons pas faire porter l’entière responsabilité des difficultés sur les évaluateurs. Oui, notre corps n’est que le reflet de notre société et tout professionnel, quel que soit son poste a ses qualités et ses défauts, qu’il est parfois nécessaire de relever pour les corriger.
Nous souhaitions également mettre en lumière un point d’étonnement. En effet, il n’est pas une journée sans que nous, élus, ou permanents ne soyons interpelés par des collègues qui vivent des situations professionnelles difficiles voire dangereuses pour leur santé. Aussi, le peu de cas qui arrivent en CAPN pose plusieurs questions.
Nos collègues concernés connaissent-ils les voies de recours ? Gageons que c’est le cas.
Osent-ils tout simplement saisir notre instance de peur d’aggraver une situation déjà tendue ? Nous mesurons tous la difficulté d’exercer dans un contexte de conflit ouvert, la difficulté de se projeter sur d’autres fonctions, la réticence, parfois, de certains recruteurs de s’engager avec un collègue qui a pu faire l’objet d’une évaluation ambiguë dans un environnement où nous nous connaissons tous… Quel représentant de l’Etat, quel élu prendra le risque de retenir un candidat dont la supposée incapacité à gérer un problème pourtant national a été révélée dans la presse ?
La dernière interrogation face au peu de dossiers étudiés, relève de l’organisation d’un dialogue social qui échappe peu à peu aux instances officielles pour se jouer en groupes de travail, commissions ad’hoc, réseaux d’influence. Nous ne pouvons que le déplorer, car cela prive les partenaires sociaux de leur rôle de représentativité, et in fine prive nos collègues de la garantie d’impartialité.
Nous sommes persuadés que cette instance jouera son rôle, et les élus représentant le SMPS prendront leurs responsabilités, notre mandat nous oblige.
Le corps des DH est aujourd’hui abimé, il est temps de le réparer.Pour cela, nos responsabilités doivent être reconnues, notre engagement salué, les comportements déviants doivent être sanctionnés, qu’ils soient du fait de collègues, ou d’autres professionnels hospitaliers. Le SMPS est attentif aux situations qui jour après jour sont révélées, aux appels des collègues, aux signaux faibles qui remontent de certains établissements. Nous ne pourrons assainir ce climat que collectivement, chacun dans son rôle et son champ d’action, tutelle, gestionnaire, partenaire social, évaluateur.
Nous en sortirons tous grandis et au final, ce sont nos équipes, nos établissements, nos concitoyens qui en tireront tous les bénéfices nous conduisant ainsi vers une action et un engagement, enfin reconnues, mais également un management et des conditions de travail, enfin, apaisées.