Le syndicat de tous les manageurs de santé
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Instance collégiale DH 29 février 2024 – déclaration liminaire du SMPS

Chers collègues,

Après environ un mois d’atermoiements et de suspense au plus haut niveau de l’État, le feuilleton sur l’achèvement de la nomination du nouveau Gouvernement s’est enfin terminé. Il laisse toutefois derrière lui de nouveaux doutes et autant d’incertitudes.

Des doutes d’abord quant aux orientations qui seront données à la santé et, de façon plus globale, à la fonction publique en ces temps incertains. Nous saluons ainsi le choix qui a été fait de nommer un ministre délégué chargé de la santé ainsi que de reconduire un Ministère de la fonction publique de plein exercice, tout en oubliant pas le temps nécessaire pour arriver à une telle décision de bon sens.

Une telle attente concernant des sujets aussi cruciaux a par conséquent de quoi inquiéter l’ensemble de la fonction publique hospitalière. Car s’il y a bien une chose dont l’ensemble de notre système de santé a besoin c’est bien d’une orientation stratégique et d’un pilotage. Tous les constats établis sur son état, sur l’origine des maux ou sur les pistes d’évolution ne donneront rien sans une vision de ce que les pouvoirs publics attendent pour la santé de demain.

Les défis rencontrés par le secteur de la santé, et en particulier les établissements publics de santé, justifient donc plus que jamais de disposer d’interlocuteurs dédiés et en capacité de porter les dossiers en cours. Nous n’aurions pu nous contenter de moins. Mais parler de « défi » apparaît comme un doux euphémisme assez éloigné de l’actualité, voire de la réalité.

Il ne se passe désormais pas une semaine sans que ne soient rapportés dans les médias nationaux de nouveaux cas de patients dramatiques subissant de plein fouet ce qu’on appelait encore pudiquement « la crise des urgences ». La succession de cas individuels, de témoignages voire de décès sont à chaque fois un nouveau coup porté au service public hospitalier pour assurer ses missions auprès de la population.

Ils constituent également une pression médiatique supplémentaire pour les équipes de direction. Car c’est bien aux Directeurs qu’on demandera des comptes pour expliquer des situations qu’ils ont tout fait pour éviter, et ce malgré l’absence récurrente de soutien de la médecine de ville et les difficultés chroniques pour recruter. Les avertissements successifs lancés par tous les acteurs de la santé sur le risque d’implosion de ces services n’ont malheureusement à ce jour conduit qu’à des mesures partielles, et donc à des solutions parcellaires.

Nous ne sommes même pas au printemps que nous savons déjà que l’été qui vient sera un nouvel épisode de fermetures de lits et de suspensions d’activité, faute de professionnels. Et c’est encore une fois la population et les professionnels sur place qui en paieront le prix. Et c’est également là que les récentes décisions budgétaires en matière de santé réveillent d’autres doutes, plus anciens et avec un goût amer de déjà-vu. Mais dans un silence ambigu qui permet, encore une fois, de n’avoir pas à fixer de cap.

Ainsi la mise en place des mesures de revalorisation des soignants en exercice de nuit sans que celles-ci soient financées au préalable était déjà un indice de la méthode employée. Méthode confirmée ensuite par le vote du PLFSS 2024 avec un ONDAM à 3,2%, soit en-deçà de l’inflation, indiquant déjà sans le dire ouvertement que les mesures d’économie à venir passeraient, une fois encore, par les plans de retour à l’équilibre des hôpitaux. Et que les millions, voire les milliards, manquants devront être trouvés dans le report des projets d’investissements, pourtant annoncés comme nécessaires quelques mois plus tôt.

Le contexte financier dans lequel nos établissements survivent est pourtant aux antipodes de la thérapie de choc qu’on souhaite nous administrer aujourd’hui. L’activité des établissements demeure inférieure à celle d’avant la crise sanitaire, nos marges ne sont pas reconstituées et le déficit total des centres hospitaliers pour 2023 devrait être le triple de celui observé l’année précédente. Qui sait dès lors ce qu’il adviendra du secteur public après une nouvelle décennie de carcan budgétaire ?

Comment dans de telles conditions être étonnés de la diminution progressive du nombre de candidats dans nos instances collégiales ?

Alors que notre corps subit une perte d’attractivité sans précédent et que les conditions d’exercice de tous les collègues continuent de se dégrader, il est logique que l’accès aux postes à responsabilités n’apparaissent plus aussi évident et attractif qu’avant. A noter que d’après nos calculs on peut constater une stagnation voire une régression de la part de femmes nommées aux emplois fonctionnels aux alentours de 25%, soit en deçà des objectifs fixés par la loi du 19 juillet 2023 relative à l’accès des femmes aux emplois à responsabilités. Il ne s’agit bien sûr que d’un bilan à mi-parcours, mais les seuils à atteindre bien plus ambitieux de 40% puis 50% de primo-nominations doivent rester une ligne de mire à atteindre.

C’est enfin aussi le doute qui caractérise les chantiers des négociations statutaires relatives à l’intégration des Directeurs d’Hôpital dans la loi de réforme de la haute fonction publique et la transposition du statut des Administrateurs de l’État.

En ce 29 février, nous pourrons fêter d’ici quelques jours la première année depuis le début de ces négociations pourtant annoncées comme historiques. Les avancées sont pourtant aussi maigres que les certitudes sur les contours et le contenu de ce nouveau statut, pourtant annoncé comme une véritable mesure de revalorisation après la décennie de stagnation statutaire.

Un an de travaux, d’échanges et de présentations pour aboutir essentiellement à encore plus d’incertitudes sur les résultats à venir. Les échanges avec les pouvoirs publics sont ainsi au point mort depuis plusieurs mois maintenant, reportant une fois encore l’application de la réforme. Certes, ces retards s’expliquent notamment par le remaniement gouvernemental que nous évoquions plus tôt. Toutefois c’est bel et bien l’absence d’arbitrages au plus haut niveau sur notre devenir qui est la cause du report régulier des travaux avec les pouvoirs publics.

Si jusqu’alors nous déplorions ces retards et pouvions les expliquer à nos collègues, il apparaît de plus en plus difficiles de ne pas y voir une réelle absence de bonne volonté de la part d’une machine administrative qui peine à nous reconnaître. Et si l’objectif initial était de ne pas donner aux hospitaliers le sentiment d’appartenir à une sous fonction publique, force est de constater que celui-ci risque de ne pas être atteint. Le nouveau report de la prochaine réunion relative à la transposition, prévue originellement le 8 mars, est à ce titre un nouveau revers que nous regrettons amèrement.

Nous constatons ainsi qu’en un an d’échanges, pourtant nourris de nos travaux et de nos explications, notre métier demeure méconnu, incompris voire nié dans ce qui le caractérise. Il semble aberrant de devoir répéter une fois encore que les spécificités qui font partie intégrante de nos fonctions, et en premier lieu la nécessité absolue de service, font des Directeurs d’Hôpital un corps de professionnels comparables mais nécessitant un cadre adapté.

Un tel constat nous amène une fois encore à questionner la réelle volonté politique dans cette réforme mais aussi la méthode de travaux que l’on qualifie encore de « négociations ». Car les sujets ne manquent pas pour rénover un statut certes « jeune » mais dont les tenants et aboutissants s’appliquent mal à la réalité de notre exercice.

Citons notamment la nécessité de revoir encore le pyramidage et la répartition des emplois fonctionnels, qui deviendront des « emplois supérieurs », la mise en place d’un régime indemnitaire intégrant la diversité de nos modes d’exercice ou encore, et ce n’est pas le moindre des sujets, les conditions de nos sujétions et la place du logement.

Le SMPS n’a eu de cesse de répéter que la fonction publique hospitalière ne pouvait se permettre de manquer ce grand rendez-vous statutaire. Car si 29 février sont rares, c’est encore plus le cas des réformes statutaires historiques de nature à déterminer l’avenir de tout un corps.