Déclaration liminaire – Instance Collégiale D3S du 10 septembre 2024 – « Ils m’ont mis la trêve ! »
« Que se passe-t-il si je ne fais rien ? » est la question à laquelle tout décideur est confronté à chaque fois qu’il est amené à arbitrer une situation.
Qu’il s’agisse d’une allocation de moyens, de la gestion d’un conflit ou de la conduite d’un projet, cette question fondamentale se pose plusieurs fois par jour pour les D3S comme corollaire à l’exercice de direction.
Ainsi, en adoptant la focale de l’observateur béotien de la vie publique au cours du dernier semestre, on ne peut qu’être pour le moins amusé des postures des interlocuteurs dits « institutionnels » durant cette trêve estivale. De périodes de réserve en congés aux sourires polis et gênés en regards détournés, les autorités ont activé le mode distanciel démontrant, si ce n’est la vacance, tout du moins la vacuité d’un positionnement qui interroge les modestes managers de proximité.
Il est vrai qu’a priori rien n’est inquiétant. Les établissements poursuivent tant bien que mal leurs missions d’accompagnement et d’accueil, ce qui justifierait l’expression employée par la DGOS que les postes de D3S sont finalement « faiblement exposés ».
La réalité est évidemment toute autre une fois passée au révélateur de notre question initiale. Depuis 15 ans, rien n’a été fait ou presque pour un secteur médico-social qui est désormais sinistré : déficits chroniques et structurels des établissements induits par un sous-financement évident, crise d’attractivité RH qui touche tous les métiers y compris ceux de direction, empilement de normes, d’enquêtes et de contrôles. Dernière illustration en date : la loi « Bien vieillir », aussi minime soit-elle dans ses apports, n’a toujours pas ses décrets d’application.
Il serait souhaitable d’annoncer que, pour une fois, « le compte est bon, Patrice ». Avec 86% des EHPAD en déficit en 2023, et alors que s’annonce la joyeuse période des évaluations, nous espérons sincèrement que les collègues ne soient pas accusés une fois de plus de mauvaise gestion. Mais ne nous leurrons pas, l’exercice risque probablement, cette année plus encore, de virer à la farce.
Face à leur interlocuteur, les collègues devront, comme tous les ans, boire la cigüe en silence. Aussi nous appartient il d’expliciter les questions qui les traverseront :
- Quelle crédibilité d’un évaluateur ne comprenant pas le métier ?
- Quelle légitimité d’une institution qui prône des injonctions sans être exemplaire en assumant sa mission d’organisation et de pilotage de l’offre sanitaire, sociale et médico-sociale?
- Comment évaluer des résultats quand aucun moyen n’a été attribué ?
- Quel sens donner à des objectifs quand celui qui les fixe ne sait pas où il va ?
Et c’est aux D3S qu’il est demandé d’aller expliquer les vœux pieux des institutions aux équipes et aux usagers. Et c’est à eux encore que reviendra d’entendre et d’absorber leur colère. Sans montrer la nôtre. Faire bonne figure et faire en sorte que l’orchestre continue à jouer quand le paquebot prend l’eau de toutes parts.
Il n’y a visiblement plus d’urgence pour le secteur médico-social puisque cet état est désormais la normalité : 13% de postes vacants d’aides-soignants, 58% des EHPAD manquent de personnel, 20% de collègues D3S qui quittent le métier au bout de 5 ans, 2,5% seulement de collègues présents au bout de 20 ans.
Rappelons donc nos revendications, pour commencer à traiter le problème :
- Alignement des traitements indiciaires et de notre régime indemnitaire sur celui des Directeurs d’Hôpital aux mêmes niveaux de responsabilités
- Déploiement du CTI à l’ensemble des D3S, y compris dans le secteur du handicap
- Un véritable plan d’amélioration des conditions de travail passant principalement par le retour de l’attractivité pour nos établissements.
Au-delà de ces considérations matérielles, nous demandons seulement le respect ou à tout le moins l’honnêteté d’assumer le projet de destruction des institutions médico-sociales de sorte que les décideurs pourront déclamer ce haïku de Mizuta Masahide :
« L’entrepôt brûlé,
Il n’est plus rien qui empêche
D’observer la lune ! »