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Loi « Bien vieillir » : le SMPS alerte sur une nouvelle tentative de mainmise sur les EHPAD et les D3S

Le débat sur la proposition de loi portant mesures pour bâtir la société du bien-vieillir, dite « PPL bien vieillir », qui vient de se dérouler au Sénat confère un désagréable sentiment de « déjà vu ».

Dans un contexte dramatique pour les établissements, le sketch proposé relève du mauvais Vaudeville avec l’Association des Départements de France dans le rôle du vil amant caché sous le lit et les D3S en époux trompé. Sans dire que cela devienne une habitude, on ne peut que constater la redite avec la loi 3DS. Il sera simplement souligné que les signaux adressés ces derniers mois par les pouvoirs publics portent peu à l’optimisme.

Au milieu du marasme l’ajout surprise d’un amendement visant à confier le pouvoir de nomination des Directeurs d’EHPAD aux Présidents des Conseils Départementaux est ainsi venu rappeler que les attaques peuvent survenir de partout, sans prévenir.

L’amendement (accessible en cliquant sur le lien suivant : https://www.senat.fr/amendements/2023-2024/253/Amdt_326.html) dispose que « les établissements mentionnés au I de l’article L. 313‑12 sont dirigés par un directeur nommé par l’autorité compétente de l’État après avis du président du conseil départemental. »

Pourquoi confier le pouvoir de nomination des directeurs aux départements ? Parle-t-on bien de ces mêmes départements qui ont récupéré l’Aide Sociale à l’Enfance après l’avoir réclamée à cor et à cris pour mieux l’abandonner dans la minute où elle leur a été attribuée ? De ces mêmes départements qui sont parvenus à travers la loi 3DS à créer des détachements forcés pour les collègues D3S du secteur de l’enfance ?

Et pourtant le Sénat avance aujourd’hui pour justifier cet amendement les mêmes arguments que jadis : si les services départementaux ont un pouvoir de contrôle des EHPAD, ceux-ci doivent disposer d’un pouvoir de nomination et d’évaluation. Ainsi l’exposé des motifs ci-dessous est clair :

« L’État demande aux services départementaux de contrôler les EHPAD publics, sans leur donner une autorité fonctionnelle, donc réelle et effective, sur les directeurs d’établissement. Il est nécessaire de confier au Département le recrutement, la nomination et l’évaluation des directeurs des EHPAD.
[…]
Ainsi, cet amendement prévoit que les directeurs d’EHPAD publics puissent être désormais nommés conjointement par l’ARS et le président du Département. »

A la lecture de cet argument, on peut s’étonner que l’ADF ne demande pas également à avoir un avis sur la nomination des directeurs d’EHPAD territoriaux. A noter d’ailleurs un rapprochement singulier dans l’exposé des motifs entre les Services départementaux d’incendie et de secours (SDIS) et les EHPAD. Gageons que cela témoigne d’une prise de conscience du rôle « d’extincteurs d’incendie » des Directeurs d’EHPAD : « Cet amendement reprend le modèle de ce qui existe pour les services départementaux d’incendie et de secours (SDIS), d’autant plus que les rémunérations des directeurs d’EHPAD sont intégralement financées par les Départements (au titre de la section d’hébergement). »

Nos tutelles financières n’ont de cesse de nous rappeler à nos responsabilités, à nous enjoindre à contraindre la dépense, à être innovant dans l’efficience… La production d’éléments de langage coûte peu et d’autant moins que les donneurs de leçon n’ont pas à assumer les conséquences de leurs actions.

S’agissant des départements, il nous appartient de leur souligner leur responsabilité de financeur minoritaire des établissements médico-sociaux. On rappellera utilement que les augmentations de masse salariale décidées au niveau national sont -très partiellement- compensées par le forfait soin qui vient abonder les sections dépendance et hébergement. Enfin, les conseils départementaux ne financent pas les rémunérations des D3S mais bel et bien les résidents.

Nous savons, d’expérience, que le sens de l’humour est un pré-requis de la fiche de poste, en guise d’élégance du désespoir et de capacité à prendre du recul. Mais soyons tout de même un peu sérieux: la question essentielle posée aux secteurs médico-sociaux est celle du financement. La réponse apportée est celle de la question de la gouvernance et du contrôle. Derrière l’Etat dit « stratège », on ne verra qu’une situation toxique où l’arbitrage va systématiquement en faveur de l’acteur qui crie le plus fort à défaut d’être celui qui a démontré le plus ses compétences en la matière.

Alors que l’on compte sur nous, cela nous rappelle que nous ne comptons pas. Soit. Nous rappellerons simplement que derrière ces grands chantiers de réingénieries organisationnelles ce sont au final les usagers qui payent. Et deux fois : dans le prix acquitté tous les mois et dans un service qui ne leur est pas rendu du fait du déni des responsables politiques.

Cela n’est pas un problème en soit. Mais la décision doit être assumée et transparente pour être démocratique. Derrière les vocables « société des aidants » et « virage domiciliaire », il n’y a que le mur du vieillissement démographique et le retour aux solidarités familiales.

En ce début d’année, l’injonction à l’innovation a la fragrance d’une nostalgie rance. Si Thucydide nous enseigne l’éternel recommencement de l’Histoire, nous rappellerons qu’il n’y a pas de fatalité. C’est pourquoi le SMPS saisira l’ensemble des pouvoirs publics pour alerter contre cette nouvelle tentative de mainmise sur les EHPAD et ses conséquences délétères pour nos établissements, nos métiers et, in fine, pour les usagers du service public.